Portrait d’un mythomane

par Hugues COTE  -  20 Septembre 2011, 10:45

Le mythomane est avant tout un pâtissier.  Ces mensonges  sont comme des petits fours.  Parfois ils sont salés, sucrés ou sans goût.  D’ailleurs c’est quelqu’un que chacun de nous connait bien.  Sinon comment expliquer notre dépendance aux gâteaux consommés.  On peut aller même plus loin, c’est une personne qu’on aime et qu’on côtoie.  Si on ne l’aimait pas, comme avec un mauvais boulanger on aurait déjà changé de boulangerie.   C’est certes un paradoxe, mais le fabulateur est un être cher.  C’est un parent, un ami, une amie, un amant ou encore une bien aimée.  On fréquente sa boulangerie plus par amour que pour les pâtisseries qui nous sert à profusion.  Oui, le chef pâtissier fait constamment dans l’excès.  Amnésique et  compulsif, il ment souvent sans raison apparente.  Jusqu’au point d’oublier l’avant-dernière livraison.  Nous tenant dans son étau par l’affectif, il fait de nous les cobayes de ses nouvelles compositions.

 

 

 

En égocentrique, il n’y a de place dans sa vie que pour la mystification.  Sans état d’âme l’autre doit avaler, subir et le suivre sans rien dire.  Son insouciance est de nature maladive, car à aucun moment il se rend compte du mal distillé.  Avec lui tout est souillé.  Il ne résiste pas en pervers à l’envie de tripatouiller la vérité.  En égoïste suprême, il est incapable de se rendre compte des ravages occasionnés.  En auxiliaire de ce charlatan du verbe.  On prie en vain que l’envie de dire le vrai un jour va le frapper comme la foudre.  Pourtant, on sait très bien qu’il faudra attendre que la poule ait des dents pour que cela se produise.  De plus, on culpabilise à double titre, une fois en tant que complice et une autre fois comme victime.  A chaque fois qu’on interpelle le pâtissier, il nous tourne en bourrique et nous bourre.  Il pousse le bouchon à nous faire passer pour des vulgaires esbroufeurs.  Son arme de destruction massive qui s’attaque au mental, c'est sa mauvaise foi.  Même quand la main est prise dans le sac, il accuse le sac d’avoir attaqué sa main.

 

 

 

Inconscient, il n’a peur de rien et ne descend jamais de son piédestal.  Il avance dans la vie sans repère, puisque c’est un créateur d’illusions.  A force de produire du faux il glisse lentement, mais surement dans la schizophrénie.  L’auto-conviction que ce sont les autres les fourbes et qu’il incarne la résurrection de la vérité sur terre.   Il se prend pour une sorte de cousin éloigné du Christ, seul contre tous il va tenir bon.  En faussaire émérite, il croit qu’il peut confectionner une vérité parfaite.  D’ailleurs dans son regard, vous verrez toujours l’inquiétude d’être cru.  Au fond, le mythomane est quelqu’un d’inquiet même s’il joue les confiants.  C’est une âme façonnée par la peur de ne pas être reconnu socialement.  Elle souhaite être l’héroïne ou la star d’une vie imaginaire.  Oubliant que le véritable ennemi c’est lui-même.  Elle croit dribbler les esprits comme un Lionel Messi, quand c’est à son propre esprit qu’elle donne le tournis.

 

 

 

Le drame, c’est que le mensonge ne lui fait pas de cadeau. La créature est comme prise au piège dans le sable mouvant d’une vie qui devient une hallucination.  Flottant dans un monde qui n’existe pas, elle se déconnecte du réel.  Dépourvue de sens, il arrive qu’elle essaye de tromper son ombre.  Par moment la solitude la griffe avec une violence inouïe.  Comble du comble il se met à chercher la vérité sans vouloir vraiment la trouver.  En fait, c’est un malade qui ne ment pas qu’aux autres, mais d’abord à lui-même.  L’accoucheur de bobard ne coupe jamais le cordon ombilical de son petit.  Le lien est trop précieux, c’est avant tout un narcissique.  Sans aucun doute un individualiste qui oubli que même le hâbleur a besoin de compagnie.  L’instabilité qui l’habite est visible dans tous les compartiments de sa vie.  De surcroit tout va bien pour le zigoto tandis que tout le monde voit bien que rien ne va.

 

 

 

Le mythomane fuit le réel pour danser dans l’irréel, tandis que nous essayons en vain de lui faire signe de revenir…  On n’est pas forcément meilleur, mais le mythomane est un des nôtres. Loin d’être un monstre, c’est juste un être dépassé par la vie.

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J
Bravo, très bien présenté, avec subtilité et humour, voire même tendresse.. Merci beaucoup !
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B
excellent, très, trop lucide! et brossé avec une efficacité redoutable, merci! mon fils en 1ère rédige un devoir d'écriture dont le sujet est de faire un portrait satirique. Il choisit "le mythomane", et se retrouve (mais en sera-t-il conscient?) face à ...son père!
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H
Merci Bernier