Ma fille grandit
Ma fille grandit et je mûris.
Le temps tel un souffleur me souffle la vie et me façonne. Matière en devenir ou produit non-fini s’appuyant sur un « moi » fragile et inexploré. Prendre comme point de départ le « moi » pour mieux se décentrer. Essayé d’échapper à l’éparpillement et aux tourments de nos vécus. En réalité, la vie est plus simple que ce que le sacro-saint « présent » veut nous faire croire. Comme l’a joliment dit la fille d’un ami Joël NANKIN « le présent n’existe pas, c’est la vie qui existe… ». Bousculé par l'ouragan des pulsions et débordant de passions. On plonge dans les entrailles du désir et on se perd. Pourtant, force est de constater sans aucune amertume que bien peu de choses ont du sens. Bref, ma fille grandit et je mûris.
Ma fille grandit et je suis uni.
Les choses de la vie s'estompent. L'essentiel est scanné et absorbé. L'équilibre recherché entre le corps et l'esprit sur le point d’aboutir. Le sens du devoir est compris et les responsabilités prises. On a cessé d'être déboussolé et nerveux. Le sourire prend le dessus sur le grincement de dents. La révolution du dedans ouvre les yeux et chasse la colère de l’esprit. On n'est plus le centre, ni le point culminant et encore moins le firmament. Seulement un grain de sable dans l’univers. Un voyageur qui est tombé amoureux de l’autre et qui se découvre. C'est le retour aux sources pour l’agnostique, voir l'apocatastase pour le croyant. Comprendre que le tout est dans le tout. La peur s’est envolée comme une colombe parce que sa place est ailleurs. Lentement la paix s’installe en moi. Bref, ma fille grandit et je suis uni.
Ma fille grandit et je vieillis.
Le temps se faufile telle une anguille dans mon corps et mon esprit. Au même rythme que le sang, ne connaissant pas de temps mort. Mes cellules vieillissent et se meurent. Les cheveux blancs envahissent ma personne. Les attentes ne sont pas les mêmes. Les centres d’intérêts divergent. Papa ne comprend pas ce nouveau monde virtuel. L’époque et sa superficialité me disent merde ! Comme une denrée périssable, je semble m’approcher de ma date d’expiration. Ma fille me perçoit ou m’accuse par moment d’être un réactionnaire. Mon regard sur ma fille devient une succession de polaroïds. Que le temps va voiler sans état d'âmes. Piètre photographe, je manque parfois de concentration et rate la photo. L’espace d’un instant, c’est déjà une autre personne. Bref, ma fille grandit et je vieillis.
Ma fille grandit et je finis.
Tout ce qui est composé est appelé à se décomposer. Il y a un début et une fin. Entre les deux beaucoup d’illusions et de confusions. Rien n’était clair, la vie avait été loin d’être un long fleuve tranquille. Pourtant, j’ai nagé et j’ai bu la tasse. J’ai failli me noyer plusieurs fois, et j’ai broyé du métis. Par contre, je n’ai jamais renoncé même si j’ai souvent douté. J’ai sublimé la vie comme étant le fleuve de la lumière et de l’amour. J’ai pleuré, mais plus rigolé. Ma fille grandit et la vie continue. La vie est un voyage, d’ailleurs tout est voyage, tout comme voir sa vie finir. Je ne vois rien dans cette démarche de glauque. Si ce n’est le constat que le mouvement de nos vies est créateur de vies et de magnifiques liens. En avoir conscience à un moment de sa vie n’est que justice. La vérité de nos existences n’est ni belle, ni laide, car elle est action. Bref, ma fille grandit et tranquille je finis sans crainte.
A Jade…