Les oubliés
Des hommes et des femmes qui ont existé aussi bien dans les temps lointains que récents. Ils appartiennent à l'histoire universelle de l'humanité et pas celle des conteurs. L'histoire par l'homme prend des allures d'affabulations tant elle est fragmentée et teintée d'une subjectivité qui biaise la vérité. En pionnier ils ont aimé l'homme et la vie. Ce sont des êtres qui ont eu les mêmes aspirations et besoins que nous. Ils ont eu toutes les couleurs, toutes les tailles et parlé toutes les langues. Certains sont connus des récits des hommes, d'autres sont des anonymes. Soit parce que l'anthropologue ne les a jamais rencontrés. Soit parce que l'ethnologue ne les a jamais croisés. Soit l’absence de témoins ou parce que l'historien ne les connait pas ou a choisi de les ignorer. En dehors du rapport à un Dieu ou à une croyance. Peu importe à vrai dire, ils ont précédé nos pas et ont eu de divers destins. Avant nous, ils ont connu la terre, l'eau, l'air, le feu et l’éther. Ils ont été les artisans voir les éclaireurs de nos présents. Aujourd’hui ils vivent dans l’au-delà. BIRAGO DIOP disait : « les morts ne sont pas morts » et il avait raison, car ils sont là. Force est donc d'entrevoir entre eux et nous un rapport immatériel qui subsiste depuis la nuit des temps. Cet échange ésotérique parce que chargé de mystères je le perçois sur deux plans : le rapport à l'ancêtre et le rapport au contemporain passé à l'orient éternel. Leurs esprits sont omniprésent et de surcroit en action. Il va s’en dire qu’on entre ensemble dans les arcanes du sensible. Les sentiments peuvent vibrer et les larmes couler. Notre spiritualité reste une énigme pour beaucoup, elle n’en demeure pas moins pour autant réel. Aussi il ne s’agit pas dans ce texte d’une affaire d’initier, mais d’une affaire d’hommes qui sont souvent aux prises avec l’inexplicable et l’illogique. Avec l’intime conviction de sentir l’âme dialoguer à notre insu.
Nos ancêtres sont différenciés ou ignorés pourtant leur sang coule dans nos veines. L’authentique métissage humain est génétique raison pour laquelle leurs ADN a fait de nous ce que nous sommes. Nous sommes donc tous métissés. Nous portons leurs identités sans le savoir tant le travail mémoriel est mystifié. De plus l’instantanéité est privilégiée aux origines des choses. On veut le fruit sans penser à la racine qui a donné naissance au fruit. Les ancêtres sont les racines de nos historicités. Au-delà de différences exacerbées par les uns et les autres, j’évoque ici le patrimoine commun à l’humanité. Le lot de sentiments et de ressentis que chaque personne éprouve au cours d’une vie. La quintessence de nos existences avec son lot d’émotions et d’expériences. Il n’y a qu’une humanité après tout. L’héritage laissé est palpable. Ils nous ont donné la mesure des choses avec la géométrie. Ils ont enfanté la force créatrice qui profite à toutes les générations. Ils nous ont appris la gravitation, cette attirance de l’homme vers l’homme. Ils ont mis leur génie au service de générations futures. Ils nous ont offert la connaissance intime et profonde de la chose divine. Les diverses migrations voulues ou imposées nous ont aussi éloignés les uns des autres. Pourtant, Il subsiste une identité spécifique qui perdure au travers des générations, bien que les lignées se soient diversifiées et enrichies. Il me semble donc que les intelligences de tout horizon ont chacun apporté une pierre à l’édifice. L’objectif n’étant pas l’homme fini ni infini, mais une symbiose. Ils sont le sens directionnel de nos parcours. L’intime est mis à contribution afin que l’homme poursuive son chemin debout vers l’unicité. Ils nous enseignent le sens. Au travers de leurs souffrances endurées ils nous enseignent la résistance. De leurs insuffisances passées, ils nous apprennent la persévérance. Des injustices vécues le pardon. Ce sont les génies même de notre perfectibilité et les instigateurs de la transmission. Les invisibles que ni la raison et ni la logique n’arrivent à capter sont pourtant accessibles si on écoute. Et contrairement aux croyances populaires ils ne sont pas là pour de funestes desseins. Au contraire, ils accompagnent les vivants. Ce sont des souffleurs de vérités.
Les morts que l’ont a connus, vivant ont les traitaient parfois avec légèreté. Une fois disparu, ils prennent dans nos actions ou
réflexions des places prépondérantes. Comme par enchantement ont agi ou réfléchit comme ils auraient souhaité. On en vient à les pleurer et à les regretter bien que la
vie poursuive son cours. Dans nos dedans, ils se sont faits une place et ils se manifestent discrètement par à coup sans qu’on en soit conscient. Par moment dans nos pérégrinations
intérieures. Ils marchent derrière pour être sûre que nous ne dévions pas de nos trajectoires. Parfois dans la mélancolie la plus noire, ils sont ce brin de lumière qui
aide à retrouver le fil d’Ariane. Ce sont nos anges gardiens. Ils ne jugent pas, ils préfèrent conseiller et guider. Ils bâtissent
et façonnent nos identités intérieures que le brouhaha de l'extérieur nous empêche de cerner. Ce sont des aïeux, des parents, des amis et des étrangers qui conversent avec notre âme par
signe parfois anodin. Quand on verse une larme par tristesse ou désespoir c’est encore l’un d’eux qui lui donne la chaleur pour qu'elle ne coule pas en vain. Quand l'explosion
psychique est imminente c'est encore eux qui désamorcent notre pensée. Quand notre intériorité est en feu à cause des passions, ils font les pompiers. Ils ont de
multiples facettes, ils sont réminiscence, intuition, un bruit, une émotion, 6eme sens ou présent dans nos rêves. Ils n'attendent rien de nous si ce n'est l'apaisement,
car quand nous souffrons ils souffrent. Pourquoi ne sommes-nous pas capable de les entendre ? Pourtant ils murmurent sans cesse à nos cœurs, comptant sur notre sensibilité afin que par
nous-mêmes nous trouvions la voie de l’émancipation. Le vivant doit vivre sa vie et nourrit avec soin son dedans. Pour que lui aussi
puisse contribuer aux prochaines générations. Leur souhait est que les hommes soit des meilleurs hommes afin qu'une société meilleure puisse éclore. Ils veulent
qu'on saisisse la richesse d'une vie, d'un homme, d'une femme pour qu'on arrête de mépriser. Les gens ont besoin de nous vivant et moins quand ils trépassent. Le temps passe et ne
revient pas. Les souvenirs sont vains quand on laisse passer l'occasion de répondre présent à l'autre surtout quand il a besoin de nous.
L’accès au monde sensible passe par l’introspection. Cette clé mène au cœur de l’homme intérieur qui sera capable d’harmoniser sensible et intelligible. Pour ceux dont la sensibilité permet l’accès à ce rapport, il est conseillé d’être prudent, car les incompréhensions ne manquent pas. Ne pas non plus confondre les deux mondes, il faut savoir jauger les diverses attentes. Pour ceux dont l’intériorité peine à se dévoiler, écoutez votre cœur et éloignez la peur. Le poète Djalâl-ad-Dîn-Rûmî disait l'homme intérieur peut seulement dire à ceux qu'il rencontre sur sa route "cherche en toi-même ... Car tu es tout". Méconnaître son immatérialité c’est ne pas être en phase avec soi-même. La mort n’est qu’une métamorphose, la vie un passage avec un début et une fin. Oui « Les morts ne sont pas morts », les oublier est une erreur. Cette attitude conditionne nos postures dans la vie et le sens de nos engagements. Ne pas mesurer la place qu’ont eu ceux qui sont partis c’est favoriser l’imposture. Les morts inquiètent les vivants, pourtant chacun de nous entretien avec un mort un lien précieux que mes mots ne suffiraient pas à décrire. D'ailleurs, il y a des degrés d'intimité dans lequel je ne veux pas m'immiscer. Comme on dit le proverbe « il ne faut pas mettre le doigt entre l'arbre et l'écorce."