Le monstre
Luciférien, il est invisible et inodore. Tapis dans l’ombre et circulant avec fluidité, il se faufile comme une vouivre. Il est le maitre méphistophélique des lieux et implacable il domine. Tel un dictateur, il dicte sa vérité tandis qu’en oppresseur il dompte. Il est intouchable voir suprême. Sadique il torture et soumet l’âme. Violente l’esprit et marque au fer rouge le dedans. Il va ronger l’organisme et désarticulera le corps. Fera exploser vos repères et ébranlera vos certitudes. Il brûlera vos sens et chatouillera vos neurones. Il va vous désorienter. Il va vous souiller et vous voler de l’espérance de vie. Il vous dévoilera la violence dans tout ce qu’elle a de plus bestiale. Il sera votre ennemi intime. Il sera à la fois votre tout et votre néant. Il prendra le contrôle. Malintentionné, il possède la clé du désarroi. Telle une strige, il dévore l’ambition et sème le doute. Boit votre énergie et fragilise le mental. Vous rend dépendant et accroc. Il est omniprésent. Vous êtes sa proie et vous n’êtes rien. Être amoral par essence, il est sans mansuétude. Peu importe votre âge, votre sexe, votre couleur ou votre condition il applique le même tarif, la peur. Il vous chassera. Il vous hantera. Il vous hachera. Quel que soit vos moyens quand il vous tient. Il ne vous lâchera plus. Vous serez son pantin voir sa chose. La souris avec laquelle le chat joue. Rien ne pourra vous extirper de ces tentacules. A sa merci vous allez pleurer jusqu'à ne plus avoir de larmes. Vous tordre jusqu'à décalcifier vos os. Prier à tel point que les anges vous tourneront le dos saturé par vos lamentations. Un bref instant, le diable aura même pitié de vous.
Le goût des choses disparaîtra et la compagnie des autres vous insupportera. Vous allez goûter à l’élixir de la claustration. Celle qui est noire et renvoie à la profondeur des ténèbres. Le mental démissionnera et la combativité désertera. Les perspectives disparaîtront et vous jugerez vos contradictions. Vos croyances ne résisteront pas. Vous allez tester votre foi en Dieu. Jusqu’au point de le supplier de venir vous délivrer. Il ne viendra pas et vous perdrez cette foi circonstancielle, motivé par la mendicité. Cette croyance qui n’existe pas, quand tout va bien. Si vous étiez athée, vous deviendrez tour à tour agnostique, théiste, panthéiste puis déiste. Vous allez à la recherche de Dieu et vous ne le trouverez pas. Vous allez-vous rencontrer au point de plus vous reconnaitre. Vous allez vous démasquer et votre égoïsme va se révéler. Votre lâcheté va jaillir et vous vous vomirez. Vous allez violer vos vérités et profaner le sacré. Vous serez pour toujours un toxicomane. Les mots n’auront plus le même sens et ni la même définition. Vous serez dans le concret et les gens autour deviendront fades. Fini le sens, bienvenue le nihilisme. Au-revoir la tendresse, adieu le sexe. L’orgasme ou la jouissance un vague souvenir. La libido sera meurtrie. La vie sera un cauchemar. Terminé les rêves en couleur. L’essentiel vous apparaitra, sans que plus jamais vous ne puissiez en jouir. Comme un mirage il sera intouchable. Vos sentiments vont être teintés de noirceurs. L’aigreur votre quotidien. La haine va vous tenir compagnie. Vous allez sacrifier votre humanisme. La paix deviendra une chimère. La colère va vous coller à la peau comme une sangsue. Votre ego va vous dominer. Le temps sera une prison. Chaque minute deviendra une éternité. L’amour deviendra un vain mot. La mort deviendra un désir. Le suicide la solution, la possibilité de s’évader au pire une échappatoire.
Sous son emprise tel une bête vorace et sanguinaire, il va absorber la quintessence de votre vie. Déchiqueter votre sensibilité et vous vidanger de vos émotions. L’amour qui vous habite va s’exiler. Vous allez être asséché de toute notion de moralité. L’isolement va acidifier votre sociabilité et vous dépouiller de vos liens comme si c’était de veilles guenilles. Tout aura changé, votre vie, les hommes, les femmes et même le monde. Les masques tomberont et la cynique réalité de la vie aura pris le dessus. Découvrir qu'il existe un autre monde, là où n'existe pas la compassion ni l’empathie. Là où vous êtes un numéro. Là où vous êtes un cobaye. Là où vous êtes en voie d’extinction. Là où le monstre sera votre unique ami, véritable compagnon de misère. Là où vous êtes seul avec vous-même. Aigri, une déshumanisation progressive tel un funeste cancer sera déclenché, avec en coda une oraison funèbre dans l’anonymat. La douleur est cette hydre de malheur que je ne vous souhaite jamais de rencontrer. On ne peut s’y habituer et chacun de nous la connu ou la connaitra. Le seul antidote qui surpasse les drogues, c’est la présence de l’autre. Le monstre ne peut être vaincu que quand le malade se sait ou se sent accompagné peu importe l’issue finale. L’homme doit être solidaire de ces multiples identités voir même fraternel. A ce moment-là, le monstre deviendra un mythe. L’homme n’est pas différent de l’homme. La souffrance humaine tout comme les sentiments humains rappelle que l’homme à besoin de l’homme en tout temps pour le meilleur et le pire.