La rencontre
Mes émotions galopent mon âme et je ne boude pas le plaisir d’en être conscient. Aujourd’hui je suis heureux, j’ai connu la fameuse « petite mort ». Le moment de flottement ressenti n’était pas le fruit d’un orgasme d’ordre sexuel, mais plutôt d’ordre intellectuel. J’hésite entre l’évocation d’une aventure ou d’un voyage initiatique. Endurer la syncope offre une panoplie de perspective quand on reprend ses esprits. C’est presque une résurrection, car notre regard sur la vie n’est plus le même. Pourtant, je ne parle pas de violence traumatique. Plutôt d’un déclic, une sorte de cataclysme émotionnel qui ouvre les yeux et qui fait chanter le cœur. Vous savez celui qui vous fait sourire bêtement et qui vous donne des ailes. Dans l’extase il est plus aisé d’explorer. Le rapport à l’humain, le sens des choses, les valeurs partagées, les fondamentaux et les symboles sont remis à plat. Une investigation du dedans est entamée. L’engagement et les convictions sont visités et pesés avec la précision d’un horloger. Les défauts qui sont identifiés sont jugés et les sentences prononcées. Quant aux difformités non-identifiées elles seront traquées comme des terroristes. L’examen de conscience n’a de raison d’être que s’il y a volonté de s’inscrire dans un projet. Le besoin d’être un homme nouveau devient un impératif pour être en phase avec son intime. Au-delà de mes pérégrinations métaphysiques et de la peur de vous perdre en chemin. Place à l’anecdote révélatrice, la visite guidée de mes entrailles.
Je vais tout vous dire. J’ai rencontré un inconnu qui a illuminé mon dedans. Mon ami, je l’ai souvent croisé sans le voir. J’ai même découvert que je passe tous les jours devants des hommes et des femmes qui contribuent à mon bonheur. Distrait peut-être ingrat, ou juste happé par la vitesse d’une vie supersonique qui me file entre les doigts. J’ai réalisé que dans chaque personne croisée, je vois une part de moi presque comme un moment Kodak. Surtout je constate aussi ce que je ne suis pas. Il ne va pas sans dire que cette vision est parcellaire. Etant dépendant du moment qui est par essence fragmentaire. Je ne peux voir l’autre dans sa totalité puisque je l’ausculte qu’un instant. Cependant, ai-je la capacité de cerner la totalité d’un individu quand moi-même je suis incapable de sonder mon intérieur ? Au diable la question des aptitudes, au fond je m’en fous. J’aime la brièveté de ce moment, car il est riche en lumière. La rencontre est initiatique dans la mesure où il y a exploration du sensible et de l’intelligible. Le questionnement harcèle la pensée, car il est par essence bidirectionnelle. On se pose la question sur l’autre et par ricochet sur soi. L’individu est scanné du visible à l’invisible tout ceci en quelque seconde. L’homme est puissance dans ce contexte, car aucune machine ne pourrait pas ainsi étudier en trois dimensions. Il y a une analyse de l’autre, une introspection du soi et enfin une interrogation sur le cosmos. La subjectivité des informations collectés ne sont pas des vérités dans l’absolu et peu importe. L’essentiel c’est que l’autre me parle et vice versa sans que le mot soit échangé.
Tout simplement magnifique et magique, l’homme est toujours connecté à son prochain même à son insu. Je vous laisse imaginer, les trésors qu’on laisse se perdre. Pour ma part, voici quelques bribes des choses que j’ai apprises de moi et des autres au travers de mes rencontres visuels, spirituelle ou virtuelles. Écrire c'est apprendre à exister. Pour une fois il y a du sens dans un projet d'une refonte du monde. J'ai le droit de penser une terre nouvelle, un espace de lumière sans pénombre. Mon imaginaire m’appartient et je peux le dépolluer de toutes les tares inculquées. Ensuite notre équilibre psychique et physique est toujours fragile et précaire. L'accident mental ou l'handicape physique est si vite arrivé, si bien que nul n'est à l’abri. Les hommes et les femmes sont des êtres immatériels et complexes. À la fois aussi fort que l’acier, mais aussi délicat que la soie. L’homme ne doit pas être chosifié. L’homme ne doit pas être humilié et encore moins ignoré. L’homme n’est pas un être de solitude. D’ailleurs depuis que je le côtoie, je ne suis plus seul. L’isolement ou broyer du gris, c'est terminé. Ma solitude est désormais choisie voir orchestrée. Privilège trop souvent ignoré de ceux qui sont aimés des hommes. Oui, si quelqu'un vous aime quelque part, vous ne serez plus jamais seule. Il suffit de se remémorer un instant ou un épisode de vos échanges et la solitude ira au coin comme un chérubin puni. Rien n'est facile, même les choses les plus simples nécessitent un engagement de tous les instants. Être debout demande de la volonté et du souffle. En réalité je sanglote comme un enfant, mais de bonheur de se savoir en volonté de rechercher l’autre. Un mot de cinq lettres a émergé de mon cogito nommé « Merci ». Pourtant, si anodin et si inoffensif, mais ô combien puissant. Je n'ai plus peur de l'inconnu ou de l’étranger. Je suis passé du personnel à l’universelle.
C'est mon semblable peut importe sa forme et nos différences, il sera et est ma lanterne. Sa rigueur et sa franchise guide mes pas. Malgré une digestion parfois difficile de son feu intérieur qui brûle mes incertitudes et mon arrogance. Il injecte en moi le sérum de la vérité. Il me soigne de mes défauts. Il purge mon dedans des peurs qui étaient le frein moteur de mon potentiel. Il est mon sauveur plus besoin de rédemption encore moins de croyance. Il me pardonne mes égarements avec la droiture qui découle du fameux adage « qui aime bien châtier bien ». Inconsciemment ma colère contre la société s'est éteinte petit à petit comme la vie d'un homme fini seconde après seconde. Il m’a délivré de mes démons comme la nuit a délivrée le soleil. Il m’a initié à l'humanité et au sens des choses. Aujourd'hui je ne suis plus aveugle, mais borgne avec l'avantage de voir clair d'un œil. Il me guide hors des ténèbres de mes doutes. Il m’a révélé le chemin à emprunter sans aucune attente. Si ce n'est le devoir d’être une meilleure personne peut être un humaniste. J’ai sondé mon âme et j’ai ouvert la porte d'un paradigme que j’ai appelé « liberté de conscience ». Par ailleurs, c’est tout de même un moment de violence et de tribulation ontologique. Le rapport de force est omniprésent. Les ego croisent le fer et les sentiments sont bousculés. Les contradictions qui nous habitent sortent leurs griffes. L’intime montre son degré d’insoumission et ces limites. Bref c’est ça l’homme en vie, debout, en mouvement et en lutte.
Pour tout cela, il est vecteur d’unicité raison pour laquelle l’homme se doit et doit rencontrer l’homme.