Et si demain ne survenait pas…
Ce papier qui transforme ma pensée en solide, ne deviendrait qu’une missive voir pire un testament. Du coup cette pensée qui était auparavant fluide et insaisissable va devenir figée. Morte elle sera enterrée dans un cénotaphe. A vrai dire peu importe, au fond la postérité n’appartient qu’au vivant. Ceci dit, envisager le scénario d’un jour sans lendemain m’incite à entrevoir la posture totale de mon être. Comment va réagir mon corps et quelles seront ses dernières volontés ? Ma pensée va-t-elle entrer en éruption comme un « volcan gris » ? Et mon âme sera-t-elle prête, va-t-elle sortir sa robe du dimanche ?
Mon corps, à mon avis va passer en état d’alerte rouge. Une poussée d’adrénaline aussi violente qu’une fièvre paludéenne africaine va avoir lieu. Conséquence, je serai donc gonflé à bloc, prêt à imploser. Mais, dans le même temps il ne reste plus que quelques heures. Par ailleurs, dédramatisons, car ce corps a déjà été si souvent abusé et violenté. Entre ce que nous mangeons, buvons et respirons le compte à rebours avait déjà commencé. Néanmoins, c’est l’occasion de l’écouter après tout c’est notre ami voir même notre compagnon de voyage. Le corps nous parle si souvent, mais nous l’ignorons trop souvent. Etant une mécanique certes complexe et pleine de mystères, il va tout de même demander sa pitance. Hédoniste par contrainte et gourmet par habitude. Il va réclamer de la bonne chair et un bon vin. Concupiscent par essence, il voudra du sexe. Une dernière fois solliciter ses sens et ressentir le plaisir. Il voudra faire ses adieux à la féminité tellement elle lui à donné. A deux, ils sont dépositaires de la vie et cela crée des liens. Le coït étant par ailleurs un super antistress. Il peut essayer de se rebeller. Faire des crises, mais on s’en fout, on le soumettra, mieux on le droguera. Après tout c’est un condamné à mort qui s’ignore et c’est son dernier jour. De plus, le corps comme la vie n’existe pas seulement dans le mouvement, mais aussi dans l’inertie. « Le corps humain de l'homme et de la femme est une théophanie » disait Frithjof Schuon. Mon corps regrette le manque de sacralisation voir même de sanctification de ma part. Il me reproche une légèreté, une insouciance qui relativise de trop sa quintessence.
Ma pensée quant à elle, est déjà en transe. Au centre de l’équation, elle cherche la solution. Non pas pour s’imbiber de jérémiades. Le sens et l’essentiel sont ces objectifs. Défricher les mauvaises herbes que j’ai laissés propager dans ma tête. Il faut se frayer un chemin vers ce qui devrait compter. Se trouver enfin ou se redéfinir. La dissolution de l’ego est amorcée. Le cordon ombilical avec le moi doit être coupé. La peur de perdre et de souffrir doit disparaitre. Saisir l’opportunité du savoir. Ceci même si cette vérité s’inscrit voir ce grave comme parmi les dernières de votre existence. Faire ses adieux à un passé mal connu parce qu’alimenté d’éléments conscients et inconscients. Découvrir la force, la beauté et la sagesse de l’instant et le dégusté. Devenir un chasseur de trésors, mais d’un en particulier, à savoir la paix. A porter de neurones, car enfouis dans le cerveau et qu’on néglige par ignorance, distraction ou par insolence. Je cherche la paix parce que je veux partir tranquille. Déclencher une pacification mentale. Faire le ménage à coup de pardons à tous et à toutes. Dire à quel point je suis désolé de ne pas avoir fait assez. Crier mon amour pour la vie et le tout. Contempler ma vie puis prendre la décision de se défaire des tares que j’avais enchaînées à ma construction psychique. Explorer sans tabous les sentiments et en extraire toute la sapience. Remercier la nature, les éléments, les parents et les autres. Se faire un shoot de sérénité. Rire de ses contradictions. Arrêter de juger son prochain. Exalter ma bonté et ma générosité. Dire merci à mon intelligence pour ce voyage. Embrasser mes démons et leur dire au-revoir. Informer ma violence et ma colère qu’elles sont relevées de leurs fonctions. Montrer ma gratitude à ma libido qui a nourri mes désirs et extravagances. Expliquer à la tristesse qu’elle a été souvent inspiratrice, mais aussi instigatrice d’erreurs. Enfin saluer ma capacité à aimer en dépit des épreuves.
L’âme partie ésotérique de notre vie. Perméable par le biais de la voie initiatique. C’est une combinaison à la fois de simplicité, de complexité et de mysticisme. Une des clés part de la sensibilité qui vous habite. Etre capable de voir sans ouvrir les yeux. Sentir sans humer, entendre battre le cœur de l’autre. Percevoir l’intériorité, pénétré l’essence des choses. Mon âme est comme une inconnue. On s’est si souvent croisés et parfois ont a même échangés des sourires. J’ai même essayé de la charmé. Mais les doutes qui me transperçaient l’ont souvent affecté. Ma sensibilité lui a donné des envies, j’en suis sûr. Victime de mes errances spirituelles, elle a connu une spiritualité antagoniste. J’ai été athée, animiste et déiste. Consciente de mon amour pour le savoir, elle a souvent été empathique. Sereine elle savait la vérité. J’étais un homme de conviction et de foi. Agnostique, chrétien, bouddhiste et même derviche tourneur dans la tête. J’ai toujours cru en Dieu. J’ai d’ailleurs eu beaucoup de conversations avec lui. A vrai dire des courts monologues pour dire merci, pour tout. Mais, je suis d’abord humaniste par-dessus tout. Pour moi l’homme est au centre du tout. C’est le point qui donne du sens au tout. Un sage indien du nom de Ramana Maharshi disait : « le monde apparait avec le mental et disparait avec lui ». C’est pourquoi je n’ai jamais rechigné à mettre mon âme en contact avec l’autre. De cet échange avec l’homme, s’est édifiée cette âme, qui bientôt fera je ne sais quoi. Mon degré de conscience ne permet guère de connaitre ses origines et encore moins d’anticiper sur son voyage. Et puis je n’y vois pas d’intérêt. Je lui ai toujours donné le meilleur de moi-même. Quand je l’ai tourmenté c’était parce que j’étais torturé ou ignorant. Mais je l’ai nourrie à coup d’amour. Ce voyage à été fantastique et savoir qu’on se sépare n’est que le juste retour des choses. Comme l’a si bien dit un érudit hassidique « ce qui est composé est à appelé à se décomposer ».
En écrivant une formule me vient à l’esprit. Une sorte de mantra, formule sacrée ou parole de puissance : peu importe demain ! Il faut se débarrasser des fardeaux illusoires de nos vies. Pourquoi attendre de faire ce qui est juste dans l’instant ?