L’itinéraire du dedans

par Hugues COTE  -  24 Juin 2011, 09:57

Un jour, mon intériorité m'a ouvert sa porte. Malgré l'inconnu et la pénombre tel un lascar, je me suis engouffré.  Comme un enfant qui se sait dans l'interdit,  identique à un compteur Geiger mes sentiments oscillaient entre crainte et excitation.  Vaillant voir chevaleresque je me suis armé de courage et d'une plume imaginaire.  Avec lequel j'ai pris quelques notes pour ne pas oublier.  Alors,  voici des bribes du journal de bord de ce voyage qui ne fait que commencer et dont je ne connais toujours pas la destination.

 

A tâtons, j'avance dans la brousse de mes contradictions.  La solitude comme seule acolyte, je me rends compte que mon errance est abstraite.  Je suis confus et en proie à des monologues intempestifs.  Je suis au milieu d’une foule d’interrogations.  Les questions se bousculent dans mon cerveau et je crains la rupture d’anévrisme cérébrale.  Les neurones cravachent avec un tel engouement que je sens l’embolie favorisée.   Du coup, je marque un temps d’arrêt parce que je veux contrôler le tempo.  Pourtant, rien n’y fait le refroidissement des réacteurs cérébraux ne fonctionne pas, le cerveau est au bord de l’implosion.  Et pour cause en face de moi il y a tous les fruits de la connaissance.  L’émotif que je suis est en prise à une transe spirituelle.  Les mystères étant légion je ne sais pas par lequel commencer.  Réagissant en adolescent en pleine crise existentielle, je tripote et goûte à tout.  Je suis dans la caverne de mon vécu et j’en visite toutes les périphéries.  L’excitation est si jubilatoire que je gaspille la sapience et c’est jouissif.  Premier constat : Il y a immensité et générosité dans l’optique d’une communion avec son tout.

 

                Passé la montée d’adrénaline intellectuelle et l’euphorie psychique.  Je comprends que je suis dans l’antre de mon intime.  Fini la récréation, oust le touriste et laissons place à l’autochtone,  il faut phosphorer.  La quintessence de l’être que je suis ou crois être doit être feuilletée.  Qui suis-je ?  Que sais-je ?  Un deuxième constat sans concession s’impose à moi comme une lapalissade : Je ne sais que trop peu de choses, mais je suis heureux.  Oui, dans ce labyrinthe intérieur  je ne suis pas perdu, mais je ne sais pas où je vais.  Sous l’emprise d’une sérénité grandissante, j’avance en titillant à la fois mes certitudes et mes incertitudes.  Cette pérégrination me révèle l’amour que je porte et qui m’entoure.  Je suis le chanceux qui découvre la richesse de sa trajectoire.  Je suis dedans, dans les entrailles de mes énergies et de mon intellect.  Mon âme m’observe tandis que je devine sa présence.  Paradoxalement je suis encore habité par la colère tel un écorché vif qui s’ignore.  Le pourquoi, je ne le cerne pas pour le moment.  Peut être que je refuse de regarder le miroir ?

 

                Après tout ne suis-je pas à la fois mon meilleur ami et mon pire ennemi ?  Au-delà de cette analyse psychologique simpliste, je pense être un révolté de tous les instants.  Peut être que mes aspirations, ne sont que des illusions ?  J’en mesure les significations et surtout les conséquences.  Le sens de ma vie doit être revisité et cela me froisse.  L’ego comme la pierre brute doit être dégrossi.  Il faut polir et ajuster cette personnalité.  Envisager un troisième œil qui offrirait une autre vision que celle du réalisme et du relativisme.  Il faudrait devenir le funambule qui trouve l’équilibre, une conciliation qui mène à l’unicité.  Comprendre qu’on n’est rien, n’est pas facile à assumer et difficile à dépasser.  Quoi que je fasse mon impact sera aussi minime qu’un grain de sel.  Dois-je donc renoncer à mes combats ?  Qu’est ce qui va me rester ? Quelle identité vais-je endosser ?  Force est de constater que je suis le commun des mortels avec sa somme d’incohérences.  Néanmoins, je refuse la reddition.  Je veux être le rotin qui se plie, mais qui ne rompt pas.  Ma déréliction doit être apprivoisée, car les retrouvailles entre mon dedans et mon dehors prendront du temps.

 

                Suis-je en train de reculer  par rapport à mon engagement d’agitateur ou d’utopiste invétéré ?  Pas du tout, j'appréhende et prend la mesure de ce réel qui est de pacotille, pourtant bien réel.  Je ne vis pas seulement  dedans puisque je suis en contact avec la vie, la matière, l’esprit et l'autre.  Oui sans ça, je ne saurai même pas que j’existe !  Dilemme ontologique dont l'abstraction est impossible, je suis un être social par essence.  Je sens bien que mon dedans est un autre qui a tant de besoins.  Ses demandes sont incommensurables et même déraisonnables.  Dans cette brousse qui s'épaissit et où la lumière peine à montrer son empreinte j'avance sans crainte.  Je me débats, car trouver une direction est improbable et c’est l’intuition qui prévaut.  Ma verticalité et le mouvement sont mes alliés.  Je chasse le désespoir en pensant à mon ami Nankin Joël et sa toile « ART » auquel il avait associé les mots suivants : IL N'EST POINT DE DÉSESPOIR SI FORT SOIT-IL…  Je cherche l'autre, celui-là même qui me montrera la voie.  L'itinéraire de l’intérieur est un chemin de croix sans échappatoire.  Du coup peu importe l'utopie je la serre près de moi et j'avance.  Il est aisé d'être cynique, mais tellement plus difficile d'être vrai.

 

                Je ne suis pas différent, ni meilleur.  Il se trouve que l’empathie est ma vitamine et ma composition en profite.   Je m'authentifie et la force me vient.  Comme un fauve je vais à l'essentiel  et fuis le superficiel.  Je me contente de ce qui me suffit.  A mon dehors je souffle les mots suivants : tiens bon l'ami, de cette odyssée tu comprendras mieux le monde et les hommes.  Tu seras en capacité de garder tes rêves tout en digérant les affres du dehors.  Après tout, la vie est une fête autant en explorer tous les aspects et en profiter.  Je ne suis pas fait d'argile.  Je suis fait de chair et de sang avec une âme qui me sert de compagnon de misère.  Plus j'avance, plus la brousse me sourit et la lumière me guide.  Mes contradictions fondent comme neige au soleil et tel un oiseau je vole.  Je ne sais pas vers quoi, peu importe vraiment parce que je suis libre d'être.  Je suis rempli à la fois d’amour et d’espoir.  La nature humaine ne me fait plus peur.   Vive l’indépendance de l’esprit et la conscience de la liberté.  Vive l’espoir comme l’a si bien écrit un grand monsieur Guy Cayemite dont voici le magnifique poème :

 

 

Où est ta victoire?
Espoir où est ta gloire
si tu ne restes qu'un vain mot,
si tu ne calmes point nos maux...
Combien en tous temps, en tous lieux

T’ont usé pour jeter la poudre aux yeux...
Espoir ne reste point espoir,
manifeste toi après le soir...
Que ta lumière rayonne
en un chant qui fredonne:
Fini la souffrance, fini la pénitence,
Vive la Liberté, Vive l'indépendance ...

 

                Le dedans fait de nous des alchimistes de la vie avec pour objectif de trouver un jour l’ultime combinaison.  La formule qui enfin fera éclore la vraie nature de l’homme, celle qui œuvre pour l’amélioration de l’homme et la société.  L’itinéraire est progressif et s’opère par capillarité, c’est un travail de tous les jours.  Dans l’épreuve lorsque le doute surgit un zest d’espoir et d’amour peut faire la différence.  

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